Z

Les marionnettes brutes et sensibles de Tête dans le sac, pleines d’audace et manifestement ingénues, sont déterminées à se tailler un chemin à la machette à travers 527 ans de colonisation de l’ Amérique entière, mais plus particulièrement de l’Amérique latine. En quête d’histoires de luttes et de résistances, elles s’aventurent sur des sentiers ou passé et présent, réalité et fiction se révèlent perméables, et la mort souvent bien vivante. Mais alors… et ce « Z » ? S’ il évoquait, plutôt qu’un héros messianique, les luttes incessantes et collectives qui sauvegardent une autre mémoire : celle d’une histoire de l’humanité comme combat permanent des opprimés pour la liberté ? En tout cas, Z : Il vit ! Et ça galope, ça galope, ça galope.

Équipe

Création 2019 de Tête dans le sac-marionnettes.

En coproduction avec le Théâtre des Marionnettes de Genève.

Tout public dès 12 ans.

Environ 70 min.

  • Conception : Cécile Chevalier & Franck Fedele
  • Auteurs : Cécile Chevalier & Franck Fedele avec la complicité d'Adeline Rosenstein
  • Création des marionnettes : Cécile Chevalier avec l'aide précieuse d'Émilie Poirier, Colette Pouliquen, Sylvia Faleni, Franck Fedele
  • Musiciens : Géraldine Schenkel, Fred Commenchal
  • Lumière : Flore Marvaud
  • Mise en jeu & en scène : Laurent Frattale avec la complicité de Cécile Chevalier & Franck Fedele
  • Construction castelet : Yves Mauffrey, Sylvia Faleni, Jérémy Page
  • Aides artistiques & techniques : Paille, Pierre Veyser, Grégoire Czech, Garance Schenkel
  • Interprétation / Marionnettistes : Cécile Chevalier & Franck Fedele
Paille Veyser

À propos...

Z comme Zorro, Zapata et Ziegler

Par Alexandra Budde pour Le programme.ch, le 29 avril 2019.


«Nous avions envie de montrer ces personnes qui résistent et luttent pour essayer d’humaniser l’humanité.»

«Nous sommes frères devant un ordre mondial qui détruit nations et cultures. Le grand criminel international, l’argent, porte aujourd’hui un nom qui reflète l’incapacité du pouvoir à créer de nouvelle chose. Nous subissons aujourd’hui une nouvelle guerre mondiale. C’est une guerre contre tous les peuples, contre l’être humain, la culture et l’histoire.» Ainsi débutait un communiqué zapatiste du sous-commandant Marcos en 1995. Cécile Chevalier et Franck Fedele, de la compagnie genevoise Tête dans le Sac-marionnettes, se sont plongés dans l’histoire du continent américain pour créer Z, un spectacle pour les plus de douze ans à voir du 30 avril au 12 mai 2019 au Théâtre des Marionnettes de Genève.


Depuis leur première création en 2005, Tête dans le Sac-marionnettes explore les chemins de traverse qu’empruntent ceux, personnes ou groupes marginalisés, qui sont aux prises avec les pouvoirs établis. A travers les spectacles de la compagnie, une soixantaine de personnages bruts aux caractères bien trempés ont pris vie et font partager leur condition, loin de tout misérabilisme, avec force imagination et humour.


L’humain et son histoire sont au cœur de vos spectacles. Qu’est-ce qui vous a amené en Amérique latine pour cette nouvelle création?

Les histoires de peuples qui se battent pour leur liberté nous fascinent. Et l’Amérique est peut-être celui des cinq continents qui a connu les plus grandes histoires de luttes depuis sa conquête par les Européens, qui subsistent au vu et au su de tous. Nous avions envie de transmettre la parole de ces peuples autochtones, dont celle des tribus immémoriales que leurs descendants continuent de clamer. Leur message est simple: «faites attention à la terre, cette mère nourricière. A la transformer en poubelle, vous allez vous aussi devenir des ordures».

Nous nous sommes alors plongés dans les communiqués zapatistes et dans les écrits d’Eduardo Galeano, un écrivain, journaliste et dramaturge uruguayen, célèbre pour avoir écrit Les Veines ouvertes de l'Amérique latine.


Destiné aux enfants dès 12 ans, Z traite de la terre, de ce que les hommes en font. Une notion qu’il vous tenait particulièrement à cœur de leur transmettre?

Oui, et je dois dire que je trouve les jeunes beaucoup plus conscients et beaucoup plus sensibles que nous adultes. On le voit par exemple dans leur prise de position pour la question environnementale avec les marches pour le climat, que nous avons perçues comme un encouragement dans le travail que nous avions entrepris. Preuve que la jeunesse n’est pas encore pervertie par le système qui complique des choses simples pour endormir les gens et engendrer l’inaction, allant jusqu’à imaginer que la science aura trouvé une autre planète quand celle-ci aura été rendue inhabitable par une mauvaise gestion des ressources. Ceci nous laisse perplexe. Nous avions envie de montrer ces personnes qui résistent et luttent pour essayer d’humaniser l’humanité.


A quoi se réfère l’initiale Z?

On pense tout de suite au Z de Zorro, et c’est la figure du justicier avec laquelle nous nous sommes amusés. Nous avons détourné le Zorro fantastique vers un Zapata véridique, historique, mais il en existe beaucoup d’autres comme pour nous en Suisse, avec Jean Ziegler, ou encore Zumbi de Palmares, grand héros de la résistance afro-brésilienne.


On s’amuse des mises en abyme que les marionnettes, par leur regard ignorant des lois de ce monde, nous permettent de faire en contact direct avec le public. Elles savent qu’elles sont dans un théâtre, parfois elles l’oublient ou alors elles créent leur propre spectacle à l’intérieur du nôtre. Elles ont beaucoup d’humour aussi, ce qui permet d’appréhender l’histoire à travers un filtre bien particulier. Mais surtout, elles n’ont aucune peine à faire parler les morts qui continuent à influencer la lutte des vivants.


Qu’en est-il aujourd’hui de la liberté de ces peuples primaires d’Amérique?

Ce qui a été la Conquête des Amériques est devenu pour nous aujourd’hui une conquête planétaire, un pillage organisé des ressources, mais c'est une marche silencieuse subie depuis 527 ans pour ces peuples autochtones américains.


Depuis 1994, les zapatistes maintiennent leurs territoires autonomes au Mexique malgré la violente oppression du gouvernement et des trusts financiers. Ils luttent pour ne pas être expropriés de leurs terres, pour maintenir leur culture, leurs langues, leurs droits, leur dignité. Ils construisent ensemble une forme de démocratie participative et communiquent beaucoup autour des questions politiques et philosophiques qui sont les leurs. Nous avons été touchés par le fait que les zapatistes, ces indigènes du Chiapas, dans leur lutte pour la liberté et la dignité s’intéressent à nous, à nous tous habitants de la terre. Alors que justement ce sont eux qui sont parmi les plus démunis. Et cela nous fait bien réfléchir.


La musique en direct accompagne tous vos spectacles, voire en était même la source pour Aman’ Aman’ (2016). Que nous réservent les musiciens Géraldine Schenkel et Fred Commenchal?

Si cette fois-ci le thème du spectacle n’est pas venu de la musique, nos deux musiciens Géraldine Schenkel au bandonéon et au clavinet et Fred Commenchal à la guitare électrique et au cuatro – une guitare vénézuélienne à quatre cordes –, se sont laissés inspirer pour rendre toute l’atmosphère de ce continent. Ils se sont plongés dans les musiques du Nordeste brésilien, les milonga argentines, et leurs innombrables cousines, mais aussi dans des influences angolaises pour faire le lien avec tous les mouvements de populations engendrés par la Conquête, notamment de tous ces hommes et femmes arrachés d’Afrique.